22.10.09

21.10.09

vertiges iatrogènes

Mélange implosif

Patient âgé de 62 ans adressé pour un grand vertige rotatoire survenu deux ans auparavant et présentant depuis cette date des épisodes répétitifs de vertige l’obligeant à arrêter son activité, voire à se coucher en attendant que tout disparaisse.
Dans le courrier du médecin traitant, on apprend que l’examen cardiaque était normal ainsi que le Doppler. L’IRM ne montrait pas de processus expansif de la fosse postérieure. Seul antécédent : une hypertension artérielle traitée par Célectol® et Zanidip®. Ce patient avait déjà consulté un ORL : l’audiogramme et la vidéonystagmographie avec épreuves caloriques et giratoires étaient normaux.
L’interrogatoire révéla que l’épisode de vertige rotatoire initial était survenu au cours d’un déjeuner « arrosé » en se levant pour aller chercher un plat et qu’il s’était effondré à terre. Tous les vertiges survenus depuis étaient brefs, ne duraient que 1 à 2 secondes et étaient tous suivis de syncope. Le patient se réveillait toujours dès qu’il atteignait la position allongée. Ces épisodes survenaient par exemple en sortant de sa voiture, en tordant le cou pour faire un créneau, en se relevant brutalement après avoir travaillé à genoux dans son jardin.
En vidéonystagmoscopie, il n’y avait qu’un discret nystagmus vertical inférieur sans vertige dans les positions en décubitus. Couché, la tension artérielle était à 13/08 et le pouls à 75 au bras droit et gauche. Immédiatement après le lever, la tension artérielle montait à 15/09 et le pouls à 80 au bras droit et 16/09 avec un pouls à 83 au bras gauche. Après 10 minutes de station debout, la tension artérielle retombait à 13/08. Le patient à qui on demanda alors s’il se sentait bien nous répondit qu’il ne risquait rien car il était 17 heures et que tous les vertiges avec malaises survenaient le matin.
L’examen de l’ordonnance de son médecin révéla qu’il prenait un 3e médicament : de la tamsulosine LP (Omix®), indiquée pour les symptômes fonctionnels de l’hypertrophie prostatique : un comprimé à la fin du petit-déjeuner. L’effet indésirable majeur de ce médicament est l’hypotension orthostatique pouvant conduire à des syncopes. Cet effet est potentialisé par les antihypertenseurs antagonistes du calcium, or, la lercanidipine (Zanidip®) qui se prend aussi au petit déjeuner en est un. Enfin, la lercanidipine a un effet hypotenseur potentialisé si on lui associe un bêtabloquant. Or le célopolol (Célectol®) en est un et de plus se prend de préférence avant le petit-déjeuner.
Ainsi, ces trois comprimés pris le matin avant 9 heures potentialisaient leurs effets hypotenseurs jusqu’en début d’après midi, surtout en cas de vasodilatation abdominale au cours d’un déjeuner alcoolisé. On est donc probablement en présence d’une hypotention orthostatique iatrogénique. Chez ces patients, le système autonomique réagit mal lors de la mise en orhostatisme avec bourdonnement d’oreille prémonitoire, bref vertige, vision floue, douleurs dans la nuque et le dos (« coat hanger pain »).
On décida ensemble qu’il prendrait son Omix le soir. Depuis 2 mois, les vertiges et les syncopes ne se sont pas reproduits. La présence du nystagmus vertical inférieur positionnel est plus inquiétante car elle pourrait suggérer une pathologie centrale encore infraclinique du type atrophie multiple systémique fragilisant déjà le système autonomique.

Vertiges et virus

Vertiges et virus

La névrite vestibulaire zoostérienne mérite bien l’appellation virale parce qu’on y trouve des séroconversions pour herpès zoster et qu’elle survient souvent dans le cadre du syndrome acousticofacial de Sicard. Mais d’autres affections revendiquent aussi cette origine : la neuronite ou névrite vestibulaire, la maladie de Menière et même le VPPB.
C’est que dans ces trois cas, l’étude anatomopathologique de rochers de patients décédés d’une autre cause montre au niveau du ganglion de Scarpa et du nerf vestibulaire, la présence d’une dégénérescence cellulaire avec lésions morphologiques similaires à celles rencontrées au niveau du nerf trijumeau pour le zona. De plus, l’ADN de virus herpès simplex a pu y être obtenu par amplification moléculaire (PCR).
En ce qui concerne la névrite vestibulaire, il n’est pas étonnant qu’elle revendique cette appellation virale du fait de la précession fréquente d’une affection respiratoire et de sa survenue par petites épidémies. Pour affirmer que la maladie de Menière était d’origine virale, Harolf F. Shuknecht s’est appuyé sur l’étude de rochers de patients atteints d’une forme clinique dénommée « hydrops endolymphatique retardé », véritable chaînon manquant de sa physiopathologie. Il en concluait que la maladie de Menière commençait par une labyrinthite virale infraclinique se manifestant des années après par un hydrops endolymphatique. Dans le cas des VPPB, Richard Gacek s’est appuyé sur la mise en évidence de lésions virales des nerfs utriculaire et sacculaire pour affirmer qu’il s’agissait d’un trouble des interactions entre macules otolithiques et canaux semi-circulaires.
Et pourquoi pas ? La fenêtre ronde est une passoire pour les virus en provenance du cavum. Ceux-ci gagnent la périlymphe et grâce à leur neurotropisme remontent jusque dans le ganglion de Scarpa, où ils s’installent pour la vie. De là, des récurrences donnant les mêmes vertiges, comme reviennent au même endroit les boutons de fièvre de l’herpès. Voilà pourquoi les anticorps viraux restent inchangés.

18.10.09

Idées suicidaires chez les adolescents migraineux

Idées suicidaires chez les adolescents migraineux

Wang et ses collaborateurs rapportent les résultats d’une étude épidémiologique transversale, dont l’objectif était d’évaluer la prévalence d’idées suicidaires et leurs déterminants chez les adolescents migraineux. Ce travail était une partie de l’étude épidémiologique plus large réalisée sur un effectif de plus de 4.000 adolescents taïwanais visant à évaluer les céphalées de l’adolescent.
Le questionnaire rempli par ces adolescents permettait de préciser : les caractéristiques démographiques, le type de céphalée (en utilisant un algorithme basé sur les critères diagnostiques de l’International Headache Society), l’existence d’une dépression (en utilisant un questionnaire spécialement validé pour l’adolescent) et la sévérité fonctionnelle (en utilisant la version « pédiatrique » du questionnaire MIDAS).
Cette étude a ainsi montré que 8,5% des adolescents ayant participé à cette étude rapportaient avoir eu des idées suicidaires dans le mois précédent l’étude. La proportion d’adolescents alléguant des idées suicidaires était plus importante chez les filles et pour les enfants ne vivant pas avec leurs deux parents « biologiques ». Chez les adolescents céphalalgiques, la fréquence des idées suicidaires était corrélée positivement à la fréquence des épisodes céphalalgiques et à la sévérité de la céphalée, quelle que soit la nature de cette céphalée.
Ainsi, chez les adolescents alléguant des épisodes céphalalgiques survenant entre 7 et 14 fois, le taux d’allégation des idées suicidaires était de 18% alors que lorsque les adolescents alléguaient une céphalée chronique quotidienne le taux augmentait à 28,6%. De même, les adolescents céphalalgiques alléguant un impact fonctionnel mineur présentaient un taux d’idées suicidaires de 7,5% alors que chez ceux alléguant un impact fonctionnel majeur ce taux était de 44,4%. Parmi les différents types de céphalée, la migraine avec aura était celle s’associant au taux d’idées suicidaires le plus élevé (23,9%) par rapport à la migraine sans aura (15,9%) et à la migraine probable (13,7%).
Les auteurs ont ainsi démontré que les deux principaux facteurs déterminant les idées suicidaires étaient la présence d’une migraine avec aura et la fréquence des épisodes céphalalgiques (plus de 7 épisodes dans le mois).

Ce travail est intéressant car il aborde le risque suicidaire, qui a été peu étudié chez les migraineux. Il est particulièrement important qu’il considère le risque suicidaire des adolescents qui a été récemment mis en exergue compte tenu de sa prévalence. Il montre que, comme l’ensemble de la comorbidité psychiatrique, ce risque est plus important en cas de migraine avec aura et si la céphalée primaire est très expressive. Comme cela est discuté par Hershey dans l’éditorial associé à cet article (Neurology 2009, 72 e61 e62), il serait particulièrement intéressant d’évaluer l’évolution de ces idées suicidaires suite au traitement de la céphalée primaire.

vertige aigu douloureux

Attention, vertige aigu douloureux !

Il y a des vertiges d’origine centrale sans signes neurologiques. C’est le cas présenté dans cet article, où dans une dissection de l’artère vertébrale, le vertige était isolé. Seul signe associé : la douleur.
Cet homme de 41 ans sans antécédents, en soulevant un réfrigérateur, a ressenti une céphalée occipitale droite brutale suivie d’un vertige et d’algies cervicales postérieures droites. Il ne consulta que quelques jours plus tard en raison de la persistance des symptômes et de l’apparition d’une instabilité avec nausées et acouphènes droits. L’examen neurologique était normal mais il y avait un nystagmus spontané. L’IRM ne fut demandée que parce que le vertige ne s’était pas amélioré après 48 heures de traitement médical ! Elle révéla la présence d’un infarctus dans le territoire de l’artère cérébelleuse postérieure droite. L’Angio IRM montra une occlusion complète de l’artère vertébrale. Le patient fut directement adressé dans le service de neurologie pour traitement.

Commentaire 1. L’incidence des dissections de l’artère vertébrale est de 1,5 pour 100.000. Elles représentent 25% des accidents ischémiques cérébraux de l’adulte jeune et d’âge moyen. Dans 60% des cas, les symptômes initiaux sont des céphalées ou des algies cervicales. Dans 20% seulement, ce sont des signes neurologiques en foyer et dans 20% ce sont des vertiges ou des oscillopsies. L’angiographie autrefois « gold standard » du diagnostic a été détrônée par l’Angio IRM en raison de son innocuité. Seule limite : convaincre qu’on peut demander une IRM en urgence chez un patient sans signes neurologiques parce que c’est un vertige douloureux.

Commentaire 2. Toute rotation cervicale avec hyperextension, surtout si elle est brutale et prolongée, plaque la carotide et les artères vertébrales contre le plan osseux et favorise une dissection. Par exemple après une manipulation cervicale, un plongeon, un accident de la voie publique ou simplement après avoir repeint un plafond. Par conséquent, devant un vertige aigu du type que présentait ce patient, il faut s’abstenir de manœuvres telles que : recherche de nystagmus positionnel, head shaking et manœuvres de Sémont ou d’Epley. En l’occurrence, la présence d’un nystagmus spontané était contraire au diagnostic de VPPB. On ne sait pas si ce nystagmus était de type central : pur, vertical ou torsionnel. L’auteur à plutôt l’air de se féliciter que le patient ne soit pas passé par l’ORL et ses tordeurs de cou.

agoraphobie

Agoraphobie n’est pas folie

En présence d’une personnalité névrotique, une tendance trop facile est d’évoquer un vertige psychogénique. Certains sujets sont agoraphobiques parce qu’ils se sentent ébrieux dans certaines circonstances visuelles. Par exemple, traversées de grands espaces, lumières des supermarchés, certains ciels nuageux, arbres couchés par le vent, circulation sur une route plantées d’arbres et ensoleillée. Il s’agit soit de pertes de repères soit de stimulations optocinétiques intenses interprétées comme un mouvement de soi.
Tous ces patients ne sont pas des psychopathes.
On peut d’abord considérer qu’il s’agit de conflits sensoriels entre les appareils vestibulaires et visuels par surstimulation visuelle entraînant des nausées comparables au mal de mer. Dans le terrain migraineux, il existe ainsi des sursensibilités expliquant la photophobie, la phonophobie et le mal des transports dont ces sujets sont classiquement atteints.
D’autres patients présentent une authentique lésion vestibulaire bien compensée. Mais, cette compensation a été obtenue par des substitutions visuelles. Ils sont donc beaucoup plus sensibles aux excès de ces stimuli. Il y a dépendance visuelle.
Par exemple, on a décrit le Syndrome de désorientation de l’automobiliste. Ceux-ci racontent que, surtout sur autoroute, ils ont l’impression que leur auto s’incline, change de trajectoire et n’obéit plus aux commandes. L’épisode se déroule souvent au sommet d’une côte ou à l’occasion d’un dépassement alors qu’ils n’avaient plus de repères visuels. Il peut aussi s’agir de la négociation d’une courbe ou de la rotation autour d’un rond point alors que la force centrifuge agissait sur les otolithes. Là encore, on peut se trouver devant une authentique lésion vestibulaire compensée. C’est qu’en effet, la posture non physiologique de la conduite automobile exacerbe les anomalies otolithiques en rapport avec une asymétrie vestibulaire du fait d’une déprivation sensorielle liée à l’absence de sensations proprioceptives (coussins mous, voire agités de vibrations).
En revanche, s’il n’y a aucun antécédent vestibulaire et peu de sensations d’inclinaison et de déviation, il faut rechercher des arguments en faveur d’une crise de panique : paresthésies périorales et sensations d’oppression thoracique.

Toux Chronique

http://www.pratis.com/documentation/TCToux__texte_court_2006.pdf

Introduction

La prévalence de la toux chronique a été évaluée à 6 % des consultations de nouveaux patients chez les médecins généralistes, 10 % des consultations dans un centre de santé à orientation respiratoire et 10 à 30 % des consultations de pneumologie.
La toux chronique est définie dans la littérature par une durée supérieure à 3 ou 8 semaines (grade B). Le hemmage (raclement de gorge) peut en être une forme clinique.
La présente recommandation ne concerne qu’une toux qui dure plus de 3 semaines, sans tendance à l’amélioration (choix du groupe) et survenant en dehors d'un contexte médical connu et susceptible d’être en cause (toux “native”).

I. APPROCHE DIAGNOSTIQUE DE LA TOUX NATIVE

I.1. INTERROGATOIRE ET EXAMENS D’ORIENTATION DU MÉDECIN GÉNÉRALISTE

I.1.1. Établir le diagnostic positif d’une toux chronique native sur trois critères :
Sa durée est supérieure à 3 semaines, en l’absence de tendance à régresser et sans contexte étiologique connu.

I.1.2. Évaluer son caractère invalidant
Le caractère invalidant peut être affirmé lorsqu’il existe un retentissement psychosocial (sur l’entourage familial, professionnel…) et/ou un ou plusieurs des signes cliniques suivants :
• Toux insomniante, émétisante, asthéniante,
• Fractures de côte, douleur musculaire aiguë, révélation ou majoration de hernie ou de prolapsus,
• Perte d’urines, céphalées, perte de connaissance,
• Autres conséquences plus rares (hémorragies sous-conjonctivales, bradycardie ou tachyarythmie,…).

I.1.3. Rechercher des signes de gravité
L’enquête étiologique doit être rapide et faire appel au spécialiste concerné (ORL, pneumologue, gastroentérologue, interniste, cardiologue, infectiologue ou le service des urgences) devant un ou plusieurs des signes suivants :
• Altération de l’état général ,
• Syndrome infectieux,
• Dyspnée d’effort,
• Hémoptysie ,
• Apparition ou modification de la toux chez un fumeur,
• Dysphonie, dysphagie, fausses routes,
• Adénopathie(s) cervicale(s) suspecte(s),
• Anomalies majeures de l’examen clinique cardiopulmonaire.

I.1.4. Rechercher les éléments cliniques d’orientation étiologique
Les caractères de la toux (productive ou non productive, horaire, position…) ne sont pas des éléments d’orientation étiologique spécifiques. Leur regroupement avec d’autres symptômes peut cependant avoir une valeur d’orientation initiale et guider l’ordre des investigations :
• Asthme : toux spasmodique, nocturne, au froid, à l’exercice, en cas de brouillard,
• Rhinite : antécédents de sinusite, sensation de rhinorrhée postérieure, raclement de gorge, écoulement nasal, obstruction nasale, troubles de l’odorat,
• Reflux gastro-oesophagien : survenue après les repas ou en position penchée en avant ou en décubitus.
La toux peut être multifactorielle. Une histoire évocatrice ne dispense pas d’une approche diagnostique systématique telle qu’elle est décrite ci-dessous (avis du groupe).

Certaines grandes causes doivent être éliminées :

1.4.1. Cause médicamenteuse
Une étiologie médicamenteuse est d’autant plus suspectée que le médicament est
connu comme pourvoyeur de toux chronique et que son introduction a coïncidé avec le début de la toux :
• Effet certain et fréquent : Inhibiteurs de l’enzyme de conversion,
• Effet certain : Antagonistes de l’angiotensine II (sartans), bêta-bloquants, interféron alfa 2b, thérapeutiques inhalées,
• Données restreintes de la littérature : Morphine et dérivés, méthotrexate.

1.4.2. Coqueluche
L’interrogatoire oriente vers une coqueluche en cas de contage, de toux quinteuse et émétisante, de spasmes laryngés et/ou de toux postinfectieuse, initialement banale, mais d’intensité croissante et sans tendance à l’amélioration au 21e jour.

1.4.3. Tabagisme
La consommation chronique de tabac ou de cannabis est fréquemment à l’origine d’une toux. Chez l’adulte, le rôle du médecin est de discerner le symptôme banal, conséquence de l’inflammation bronchique, de la toux révélatrice d’une bronchopneumopathie obstructive (BPCO) ou plus encore, d’un cancer des voies aériennes. Pour cela, il doit prendre en compte l’âge du patient, l’importance et l’ancienneté de sa consommation tabagique, le caractère récent, ancien ou recemment modifié de sa toux, l’existence de symptomes associés et les données de l’examen clinique.
Les causes suivantes ne sont pas présentées par ordre de fréquence, mais suivent un plan d’examen anatomique permettant une recherche étiologique méthodique.

1.4.4. Cause ORL

1.4.4.i Causes rhinosinusiennes : rhinite ou sinusite avec ou sans rhinorrhée postérieure
 L’interrogatoire recherche les symptômes d’un dysfonctionnement nasal chronique (obstruction nasale, anosmie, rhinorrhée…). La rhinorrhée postérieure isolée mérite cependant une attention particulière car si elle est associée à une toux chronique elle réalise le syndrome “rhinorrhée postérieure – toux chronique” (grade C).
 L’examen recherche une rhinorrhée postérieure, visible sur la paroi postérieure de
l’oropharynx.

1.4.4.ii Causes en rapport avec une atteinte du carrefour aérodigestif
 Une dysphonie, des fausses-routes, une dysphagie, des régurgitations d’aliments non digérés, des paresthésies pharyngées, s’ils sont associés à une toux doivent orienter la personne vers une consultation ORL.
 Des épisodes d’asphyxie aiguë fréquemment inaugurés par une toux, sans perte de connaissance, suggèrent une hyperréactivité laryngée, dominée par les spasmes laryngés.
 L’examen clinique recherche des adénopathies cervicales, un goître, une hypertrophie majeure des amygdales, une luette de longueur excessive, ou encore une thyroïde linguale. Bien que n’étant pas nécessairement responsable de la toux, l’existence d’une seule de ces anomalies doit conduire à un bilan ORL (grade C).

1.4.4.iii Causes otologiques
Elles sont dominées par les affections du conduit auditif externe mais sont
exceptionnellement en cause (grade C).

1.4.5. Cause bronchopulmonaire
L’interrogatoire recherche une exposition chronique à des aérocontaminants :
tabagisme, inhalation de cannabis, exposition à des polluants professionnels ou domestiques.
Certaines caractéristiques sémiologiques peuvent orienter le diagnostic sans pour autant être pathognomoniques :
- Toux rauque et aboyante, quinteuse, parfois émétisante de la coqueluche
- Toux avec hémoptysie dans le cancer bronchique
- Toux associée à la perception par le patient de sifflements épisodiques intrathoraciques dans la toux équivalent d’asthme
- Toux accompagnée d’expectoration muqueuse matinale dans la bronchite chronique tabagique et d’expectoration purulente (verdâtre) dans les dilatations des bronches (DDB).
L’auscultation pulmonaire recherche des signes évocateurs de pathologie bronchique (wheezing, traduisant un obstacle sur les grosses bronches, râles sibilants de l’asthme, râles bulleux et humides de la bronchite chronique) ou parenchymateuse (râles crépitants).

1.4.6. Cause gastroentérologique
L’existence d’un reflux gastrooesophagien (RGO) doit être suspectée sur la notion d’antécédent d’oesophagite et sur la présence de symptômes digestifs du reflux : pyrosis et/ou régurgitations acides ou alimentaires. Il faut souligner que 50 à 75% des personnes consultant pour une toux chronique en rapport avec un RGO n’ont aucun symptôme digestif de reflux.
En cas de dysphagie, l’hypothèse d’une obstruction oesophagienne fonctionnelle ou organique ou d’un diverticule pharyngo-oesophagien doit être évoquée.

1.4.7. Cause cardiologique
L’interrogatoire oriente vers l’origine cardiaque d’une toux si celle-ci survient à l’effort ou
en décubitus s’accompagnant dans ces deux circonstances de dyspnée.
L’examen confirme le bien fondé de cette orientation s’il retrouve une tachycardie, une
arythmie, des signes d’insuffisance ventriculaire gauche voire la cause de celle-ci (angor,
hypertension artérielle, valvulopathie).
1.4.8. Cause allergique
En cas d’allergie, la toux est due soit à une inflammation bronchique, soit à une
inflammation nasale avec jetage postérieur, soit aux deux.
1.4.9. Cause comportementale
Les causes comportementales sont à envisager en l’absence des causes médicales
décrites ci-dessus et en présence d’un comportement évocateur. Les caractéristiques de
la personnalité (phobique, obsessionnelle, complaisante, instable, revendiquant de
manière paradoxale, passive ou hostile) les caractéristiques du comportement
particulièrement anxieux ou dépressif sont à prendre en compte. Des éléments
sémiologiques de la toux (ritualisée, diurne avec une absence totale de modification du
sommeil, disparaissant spontanément de manière inexplicable, hyperventilation
associée) doivent faire penser à une cause comportementale.

I.1.5. Stratégie de prise en charge initiale par le médecin
généraliste

1.5.1. En cas d’imputabilité forte d’une cause médicamenteuse
Arrêt du médicament suspecté, en coordination avec le médecin prescripteur, pour
mettre en place un traitement alternatif. Pour les IEC, la toux doit cesser dans les 4 à 6
semaines après l’arrêt. Le symptôme doit être réévalué au terme de ce délai.

1.5.2. En cas de suspicion de coqueluche
Le diagnostic est sérologique en attendant la mise à disposition de la PCR qui seule
pourrait identifier les rares cas de persistance de Bordetella pertussis. Dans la situation
actuelle, une antibiothérapie par macrolide ne se justifie qu’en cas de nourrisson non
vacciné dans l’entourage. Elle n’a aucun effet sur la toux qui résiste le plus souvent à
tout traitement symptomatique mais se résout habituellement dans un délai de 1 à
2 mois.

1.5.3. Radiographie thoracique (face et profil)
En dehors des deux circonstances précédentes, elle est systématique. Elle objective les
opacités parenchymateuses, pleurales et médiastinales conséquentes (infection, tumeur,
atelectasie ou infarctus). Elle méconnaît certaines lésions bronchiques (DDB, bronchite
chronique), endobronchiques (tumeur de petite taille, corps étranger non radio-opaque)
ou vasculaires (embolie pulmonaire).

1.5.4. En cas de tabagisme
Chez l’adolescent, tabagique récent, la toux est un symptôme banal mais aussi un
argument pour proposer un sevrage tabagique dès la première consultation. La toux doit
disparaître avec l’arrêt du tabagisme, après une phase brève d’exacerbation. On peut en
rapprocher la toux liée à la consommation chronique de cannabis.
Chez l’adulte, tabagique chronique, la toux est un symptôme fréquent mais aussi une
circonstance de découverte d'une BPCO ou d'un cancer des voies aériennes. Elle justifie
un bilan ORL et pneumologique dès la première consultation et par la suite, en cas de
modification en dehors d’un contexte de banale exacerbation (syndrome viral,
expectoration verdâtre).
Les stratégies suivantes ne sont pas présentées par ordre de fréquence
étiologique, mais suivent un ordre anatomique.

1.5.5. En cas d’orientation diagnostique ORL

1.5.5.i En présence de symptômes rhinosinusiens :
1) Devant un syndrome rhinorrhée postérieure – toux chronique, il n’y a
actuellement en France aucun consensus professionnel pour sa prise en charge.
Au vu de la littérature, le groupe recommande l’utilisation en première intention de
bromphéniramine / pseudoéphédrine pendant trois semaines (grade C).
En cas d’échec de ce traitement, il est préférable d’adresser le patient à l’ORL
sans prescrire de corticoïdes par voie générale car ils peuvent faire disparaître
des lésions. Un scanner des sinus doit être réalisé et non une radiographie
standard (grade A).
2) Devant un dysfonctionnement nasal chronique autre, il est préférable d’adresser
le patient à l’ORL, avant toute corticothérapie par voie générale et muni d’un
scanner des sinus, pour la recherche d’une étiologie précise (par exemple :
polypose nasosinusienne, sinusite chronique, Wegener…).
L’interprétation d’un scanner des sinus nécessite une confrontation avec les
données de l’interrogatoire et de l’endoscopie nasale.

1.5.5.ii En présence de symptômes d’une atteinte du carrefour aérodigestif :
Une tumeur doit dans un premier temps être éliminée par un examen ORL. S’il existe
une suspicion de diverticule de Zenker, un transit pharyngo-oesophagien est prescrit par
le médecin traitant avant la consultation ORL.
Dans les laryngites chroniques, la dysphonie est le maître symptôme. La toux est
typiquement irritative, majorée au cours de la phonation.
Les laryngites peuvent être l’expression d’un reflux pharyngolaryngé sur un reflux gastrooesophagien
; elles se caractérisent typiquement par la présence de lésions
inflammatoires en regard de la partie postérieure du larynx (hyperhémie, granulomes,
ulcèrations) ou plus fréquemment d’un oedème (Grade C). La voix peut être enrouée et
fatigable, associée fréquemment à un hemmage, à une sensation de globus (“boule”
dans la gorge).
Les infections laryngées spécifiques responsables d’une toux chronique sont d’origine
tuberculeuse ou mycotique (candidose, histoplasmose….).
Algorithme 2 : en cas de toux chronique en présence de signe d’orientation
TVO : trouble ventilatoire obstructif, HRB : hyper-réactivité bronchique, IVG : insuffisance ventriculaire gauche, RGO : reflux gastrooesophagien, BPCO :
bronchopneumopathie obstructive .

1.5.6. En cas d’orientation diagnostique bronchopulmonaire
En cas de suspicion d’asthme, il faut assurer le diagnostic qui implique un traitement de
longue durée : épreuves fonctionnelles respiratoires (EFR) à la recherche d’un trouble
ventilatoire obstructif (TVO) réversible sous bronchodilatateurs. En absence de TVO,
une hyperréactivité bronchique est systématiquement recherchée. Son absence élimine
le diagnostic d’asthme. Sa présence renforce la suspicion de toux équivalent d’asthme
mais ne l’affirme pas (grade A). Elle légitime néanmoins un traitement d’épreuve de la toux par un traitement spécifique de l’asthme (corticoïde et/ou bronchodilatateur inhalés)
(grade C).
En cas de suspicion de BPCO, deux mesures s’imposent : pratiquer des EFR qui
permettent de déterminer le stade d’obstruction bronchique (classification GOLD) qui
conditionne la prise en charge (grade C) et convaincre le patient de l’intérêt d’un sevrage
tabagique, seule mesure réellement efficace contre la toux (grade A).
En cas de suspicion de cancer bronchique (toux de modification récente et inexpliquée
chez un fumeur) ou d’une autre affection bronchopulmonaire, le patient doit être adressé
en consultation spécialisée (grade C).

1.5.7. En cas d’orientation diagnostique gastroentérologique
Devant des symptômes digestifs de RGO (pyrosis, régurgitations), les indications de
l’endoscopie, avant d’instituer un traitement, dépendent de l’existence ou non de signe
d’alarme (dysphagie, amaigrissement, anémie) ou de facteur de risque (âge > 50 ans) et
de la sévérité des symptômes (grade C).
Chez les malades qui présentent des symptômes digestifs de RGO non sévères ou des
antécédents d’oesophagite modérée sans endobrachyoesophage, la majorité des auteurs
recommandent d’entreprendre d’emblée un traitement médical du RGO selon les
modalités décrites au paragraphe traitement (grade C).

1.5.8. En cas d’orientation diagnostique cardiologique
Une suspicion d’insuffisance ventriculaire gauche en présence d’une toux d’effort
associée à une dyspnée d’effort, une orthopnée, une tachychardie et d’éventuelles
anomalies auscultatoires justifient une consultation spécialisée (grade C).
1.5.9. En cas d’orientation diagnostique allergique

Devant un contexte anamnestique évocateur, les tests multi-allergéniques représentent
l’approche diagnostique initiale. S'ils sont positifs, une consultation spécialisée
allergologique est alors recommandée, afin d'effectuer un bilan avec des tests cutanés
aux pneumallergènes communs (acariens, pollens, phanères d'animaux, moisissures).
Le dosage d’IgE spécifiques au hasard n’est pas recommandé. Les tests unitaires vis-àvis
d’allergènes multiples dans un même réactif ou sur un même support (CLA) ne sont
pas des tests de dépistage. Ils ne sont pas cumulables avec les autres tests biologiques.
(grade A)

1.5.10. En cas d’orientation diagnostique comportementale
Il faut tenter d’évaluer avec la personne le retentissement émotionnel de la toux
chronique, tout en replaçant le symptôme dans le cadre du fonctionnement de sa
personnalité, le plus souvent bien connue par le généraliste. Il ne faut pas hésiter à
proposer précocément une consultation psychiatrique dans le but d’éviter une cascade
d’examens complémentaires. L’annonce de l’hypothèse diagnostique doit être expliquée
au patient, en soulignant le bénéfice thérapeutique qu’il peut en attendre et en évitant de
faire penser au patient qu’il ne présente plus d’intérêt clinique et que son symptôme est
« inventé ».

1.5.11. Aucune orientation étiologique
Si aucune cause n’est identifiée, la stratégie comprendra successivement et
indépendamment :
1) Traitement∗ d’épreuve d’une rhinorrhée postérieure occulte (grade C).
2) En cas d’échec, réalisation d’épreuves fonctionnelles respiratoires.
En cas de TVO réversible, mise en route d’un traitement* de fond de la maladie
asthmatique.
En cas d’hyper-réactivité bronchique sans TVO, traitement d’épreuve par
corticoïdes et/ou bronchodilatateurs inhalés pendant un mois.
3) En cas d'échec ou d'EFR normales, suspicion de RGO et mise en route d’un
traitement* d’épreuve antireflux. En cas de réponse au traitement, l’imputabilité du
RGO dans la toux peut être retenue.
L’utilité de l’endoscopie et de la pHmétrie oesophagienne est controversée. Ces
deux examens ne constituent pas un préalable indispensable au diagnostic et à la
mise en route du traitement antireflux. En tout état de cause, si l’endoscopie est
envisagée, elle doit être réalisée en dehors d'un traitement par les inhibiteurs de
la pompe à protons (IPP) qui masque les lésions d'oesophagite peptique.
4) Si aucun de ces traitements (à condition qu’ils aient été bien conduits et bien
suivis) ne montre d’efficacité, le groupe recommande un avis pneumologique
dans un premier temps, avant d’adresser à l’ORL et éventuellement au
gastroentérologue, en vue de réaliser des explorations de seconde ligne.
Si finalement aucune étiologie n’est identifiée et qu’une cause comportementale est
exclue, un traitement symptomatique antitussif peut être discuté si la toux est invalidante
et non productive.

1.5.12. Plusieurs causes identifiées
Certaines toux chroniques pouvant résulter de facteurs étiologiques multiples, des
associations thérapeutiques peuvent être entreprises dans un deuxième temps
(grade C).

I.2. EXAMEN ET BILAN DU MÉDECIN SPÉCIALISTE

I.2.1. Dans le cas où les éléments orientent vers une cause
ORL
2.1.1. Causes rhinologiques
 Le diagnostic de la pathologie rhinosinusienne repose actuellement sur le trépied :
interrogatoire – scanner – endoscopie endonasale. L’objectif premier est d’éliminer
une pathologie tumorale.
 Le patient présente un dysfonctionnement nasal chronique polysymptomatique. Ceci
témoigne très souvent d’une pathologie diffuse de la muqueuse nasosinusienne qui
peut être classée en trois groupes : pathologies oedémateuse, suppurante ou
croûteuse-sanieuse.
∗ traitement : se reporter au chapitre II.

Ces pathologies s’associent fréquemment à des maladies bronchopulmonaires. Un
bilan spécifique pour chacune de ces situations doit être entrepris en collaboration
avec les spécialistes concernés :
- recherche d’un asthme ou d’une hyper-réactivité bronchique et d’une allergie
dans la pathologie oedémateuse ;
- recherche de bronchectasies, d’un déficit immunitaire, d’une mucoviscidose, d’un
syndrome de dyskinésie ciliaire primitive dans la pathologie suppurante, d’une
panbronchiolite diffuse ;
- recherche d’une maladie de Wegener, d’une sarcoïdose, d’une maladie de
Churg-Strauss, dans la pathologie croûteuse-sanieuse.
Si la toux ne s’intègre pas dans ces pathologies associées, une pathologie
rhinosinusienne isolée peut être retenue : sinusite d’origine dentaire, mycoses,
rhinosinusites oedémateuses ou purulentes chroniques, ozène et autres
rhinosinusites inclassables.
 Le patient présente le syndrome rhinorrhée postérieure- toux chronique après échec
du traitement d’épreuve proposé par le médecin traitant ; deux situations peuvent
être rencontrées :
- le bilan ORL retrouve malgré cette séméiologie atypique un des trois cadres
pathologiques décrits dans le dysfonctionnement nasal chronique
polysymptomatique (voir ci-dessus)
- l’endoscopie nasale et le scanner des sinus sont normaux : on oriente l’enquête
étiologique vers les autres causes.
 Le patient présente un dysfonctionnement nasal chronique monosymptomatique
autre : parmi ceux-ci, seule une obstruction nasale chronique avec respiration
buccale mérite d’être considérée comme facteur d’entretien possible d’une toux
chronique et mérite d’être traitée

2.1.2. Causes en rapport avec les voies aérodigestives supérieures

2.1.2.i L’examen standard
L’examen à l’abaisse langue et la laryngoscopie indirecte, au miroir puis en
nasofibroscopie, le toucher pharyngien et la palpation cervicale, sont les principales
explorations à réaliser. Ils recherchent en premier lieu une anomalie pariétale, en
particulier tumorale, et une atteinte des nerfs crâniens, en étudiant la mobilité des
structures musculaires.
Ils permettent d'objectiver des signes de laryngite chronique, éventuellement à rattacher
à un reflux pharyngolaryngé (oedème, erythème, granulomes localisés à la margelle
laryngée postérieure) à partir d’un reflux gastro-oesophagien (grade C).
Lorsqu’une lésion tumorale est suspectée, une panendoscopie avec biopsies doit être
réalisée, précédée par un scanner cervical ou cervicothoracique.

2.1.2.ii Fibroscopie de la déglutition
La fibroscopie de la déglutition est le second examen à réaliser en fonction du contexte
clinique (grade C).
Le bilan sera éventuellement complété par une endoscopie au tube rigide, des
explorations radiologiques morphologiques ou dynamiques (scanner cervical et/ou
thoracique, radiocinéma pharyngo-oesophagien, transit pharyngo-oesophagien,
manométrie), une manométrie, des biopsies musculaires, une électromyographie du
larynx, un test aux anticholinestérasiques ou par un bilan neurologique.

2.1.2.iii Autres explorations
En cas de suspicion de fistule oesotrachéale, avec la fibroscopie
LOb Conseils/SFORL 15
pharyngolaryngotrachéale, l’endoscopie des voies aérodigestives supérieures est
l’examen clé du diagnostic, avec un éventuel test au bleu de méthylène et un transit
pharyngooesophagien.
La toux chronique peut être un symptôme associé à un dysfonctionnement des cordes
vocales, qui regroupe certaines pathologies comme les spasmes laryngés, les
dyskinésies laryngées, les pseudo-asthmes ou les larynx irritables. L’abaissement du
seuil de réflectivité laryngé ou trachéal est évoqué (grade C).

I.2.2. Dans le cas où les éléments orientent vers une cause
bronchopulmonaire

2.2.1. Deux investigations peuvent être demandées indifférement par le
médecin généraliste ou le pneumologue :
• La radiographie thoracique (face et profil) est indispensable dans la prise en charge
d’une toux chronique (grade C). La présence d’une anomalie radiologique dicte le
bilan spécialisé à entreprendre (grade A).
• Les explorations fonctionnelles respiratoires comportent une spirométrie avec étude
de la réversibilité en cas de TVO. L’obstruction bronchique est considérée comme
réversible si le VEMS est amélioré d’au moins 12 % et de 200 mL par rapport à sa
valeur initiale. En l’absence de TVO, la recherche d’hyperrréactivité bronchique non
spécifique fait appel à diverses substances (métacholine, carbachol ou histamine).
(grade A)

2.2.2. Deux investigations relèvent davantage d’une demande par le
pneumologue :
• Le scanner thoracique est justifié, en première intention, en cas de suppuration
bronchique chronique, et, en seconde intention, si le bilan étiologique a été négatif. Il
recherche des bronchectasies, mais peut également révéler des anomalies de
l’architecture trachéobronchique, du médiastin ou de l’interstitium pulmonaire. (grade
A)
• La fibroscopie bronchique est justifiée, en première intention, si les données cliniques
orientent vers une anomalie endobronchique, cancer notamment, (hémoptysie
associée, toux récente chez un grand tabagique). En seconde intention, si le bilan
étiologique a été négatif, elle pourrait apporter un diagnostic dans 25 % des cas
(trachéobronchopathie, broncholithiase) (grade C). Elle permet également la
réalisation de biopsies bronchiques et/ou de lavage bronchoalvéolaire, à la recherche
de granulome, d’alvéolite lymphocytaire ou éosinophilique (grade A).

2.2.3. Expectoration induite
L’expectoration induite est une technique non agressive d’évaluation de l’inflammation
bronchique qui est encore réservée à certains centres spécialisés. Elle permet la
recherche d’une éosinophilie bronchique.

I.2.3. Dans le cas où les éléments orientent vers une cause
cardiologique
L’examen clinique, la radiographie thoracique et l’ECG suffisent bien souvent au
diagnostic. En cas de doute, l’échographie cardiaque complète le bilan (grade C).

I.2.4. Dans le cas où les éléments orientent vers une cause
gastroentérologique
L’hépatogastroentérologue va discuter la réalisation de deux examens : l’endoscopie et
la pHmétrie oesophagienne.
L’endoscopie est indispensable en cas de signe d’alarme. En dehors de ce contexte, elle
est rarement contributive, du fait de la faible prévalence de l’oesophagite (grade C). Elle
est également incapable d’établir un lien de cause à effet entre toux et reflux (grade A).
La pHmétrie oesophagienne permet de démontrer une exposition acide anormale de
l’oesophage et tente de mettre en évidence une relation chronologique étroite entre
épisodes de reflux et épisodes de toux. L’examen a peu de chance d’être contributif pour
démontrer cette relation chronologique quand la fréquence journalière des épisodes de
toux est faible ou au contraire très élevée. Chez les malades vus en dehors de tout
traitement par IPP, l’intérêt essentiel de la pHmétrie est de leur éviter ce traitement
lorsque l’exposition acide est normale. Chez les malades continuant à tousser sous
traitement IPP bien conduit, la pHmétrie sous traitement vise à démontrer la persistance
d’un reflux acide justifiant l’augmentation des doses.
Le rôle des reflux non acides ou faiblement acides dans la survenue d’une toux est
controversé. La pHmétrie n’est pas capable de les mettre en évidence (grade B).
L’impédancemétrie intraluminale oesophagienne, seule technique permettant leur
identification est encore réservée à des centres spécialisés.

I.2.5. Dans le cas où les éléments orientent vers une cause
allergique
Lorsque l’interrogatoire permet d’évoquer l’origine allergique d’un asthme ou d’une
rhinite, les tests peuvent être utiles pour identifier un ou plusieurs pneumallergènes.

2.5.1. Les tests cutanés d’allergie
Les tests cutanés sont très précis et fiables, si on les réalise de façon standardisée.
L'appréciation de leur positivité immédiate doit se faire par rapport à un témoin positif et
à un témoin négatif. Toute positivité du témoin négatif signe un dermographisme et
empêche l’interprétation des prick tests. Les antihistaminiques doivent être arrêtés
quelques jours avant la réalisation des tests. L'équation tests cutanés positifs = allergie
n'est pas exacte car plus de 25 % des sujets (d’une population générale) ont des tests
cutanés positifs sans aucune symptomatologie clinique.

2.5.2. Dosage des IgE spécifiques sériques
Le dosage des IgE totales n'a aucune valeur dans le diagnostic de la composante
allergique d'une toux. Ce n’est pas un test de dépistage.
Le dosage des IgE spécifiques ne saurait être réalisé en première intention ou même
systématiquement. Leur recherche est surtout intéressante lorsqu'il existe une
discordance entre l'allergène cliniquement suspecté et les résultats des tests cutanés,
lorsque l'on veut rechercher une sensibilisation à un allergène rare, non disponible en
test cutané ou lorsque les tests cutanés sont irréalisables (dermatose étendue) ou
ininterprétables (traitement anti-histaminique impossible à arrêter).

I.2.6. Dans le cas où les éléments orientent vers une cause
comportementale
Il n’existe pas de « test » d’orientation, seul l’entretien (qui parfois a lieu avec la
présence du médecin traitant) permet de progresser.

II. PLACE ET EFFICACITE DES DIFFERENTS

TRAITEMENTS DE LA TOUX

II.1. LES ANTITUSSIFS
Les antitussifs∗ ne sont indiqués que dans les toux invalidantes, non productives,
d’étiologie non aisément accessible à un traitement curatif ou sans étiologie déterminée.
Les antitussifs ont un service médical rendu modéré, souvent faible ou insuffisant. Leur
prescription suppose d’en avoir pesé le rapport bénéfice-risque, compte tenu d’effets
secondaires non négligeables.

II.2. TRAITEMENTS SPÉCIFIQUES

II.2.1. TRAITEMENT DES DYSFONCTIONNEMENTS
NASOSINUSIENS CHRONIQUES
Actuellement en France, il n’y a aucune étude permettant de valider l’efficacité d’un
traitement dans la rhinorrhée postérieure chronique. En pratique, on retrouve parmi les
traitements prescrits les lavages des fosses nasales au sérum physiologique, les
corticoïdes locaux, les antihistaminiques (locaux ou systémiques). Des études anglosaxonnes
proposent l’association anti-H1 de première génération (bromphéniramine 6
mg x 2/j) - décongestionnant (pseudoéphédrine 60 mg x 3/j) (grade C). La pharmacopée
française référence ces principes actifs dans d’autres AMM. Ils ne sont pas dénués
d’effets secondaires. Leur utilisation hors AMM impose le respect strict de leurs contreindications.
En dehors de certaines sinusites chroniques bactériologiquement documentées pouvant
se révéler par une rhinorrhée postérieure isolée, la prescription d’un traitement
antibiotique n’est pas recommandée.
La place et l’efficacité du traitement des autres causes de dysfonctionnement
nasosinusien chronique dans la prise en charge de la toux n’a fait l’objet d’aucune
publication spécifique, mais mériterait d’être évaluée.

II.2.2. TRAITEMENT DES TROUBLES DU CARREFOUR
AERODIGESTIF
Les traitements des troubles du carrefour sont rarement médicamenteux, en dehors des
myosites et polymyosites où la corticothérapie et les immunoglobulines sont indiqués, et
de la myasthénie. La fréquence et le retentissement pulmonaire des fausses routes
déterminent les modalités thérapeutiques.
Les mesures de rééducation de la déglutition et de la phonation (manoeuvres posturales,
travail sur les temps réflexes, adaptation des textures) doivent souvent s'accompagner
d'une kinésithérapie respiratoire.
∗ La liste des antitussifs disponibles en France est donnée dans le texte long
(référence à venir).

II.2.3. TRAITEMENT DES LARYNGITES
Le but essentiel du traitement des laryngites est d’agir sur les causes et les facteurs
favorisants.
En cas de lésions laryngées évocatrices de reflux, un traitement antireflux peut être
proposé en première intention. Le bénéfice apporté par ce traitement est inconstant et
reste à évaluer.

II.2.4. TRAITEMENT DE L’ASTHME ET DE L’HYPERREACTIVITE
BRONCHIQUE NON SPÉCIFIQUE

2.4.1. Le traitement de la toux chronique associée à un TVO réversible,
correspondant habituellement à un asthme persistant léger à modéré,
comporte 3 mesures :
• Les corticoïdes inhalés qui visent à contrôler l’inflammation bronchique, représentent
le principal traitement de fond de l’asthme persistant, les doses quotidiennes (200 à
1000 μg) variant avec la sévérité de l’asthme.
• L’éviction ou l’évitement d’un allergène, identifié comme facteur déclenchant ou
aggravant par l’analyse clinique, les tests cutanés, parfois aidés des tests
biologiques, est possible pour la plupart des allergènes domestiques, plus difficile
voir impossible à obtenir pour les autres. En cas d’échec de cette mesure,
l’immunothérapie ou désensibilisation spécifique, réservée aux seuls asthmes
stables, intermittents ou persistants légers, peut être discutée au cas par cas et en
absence de polysensibilisation antigénique.
• Les bronchodilatateurs qui visent à lever le bronchospasme comprennent 2 familles :
les bêta-2 stimulants inhalés d’action brève (fénotérol, pirbutérol, salbutamol,
terbutaline) ne sont indiqués que ponctuellement en cas de symptômes aigus ; les
bêta-2 stimulants inhalés d’action prolongée (salmétérol, formotérol) ne sont indiqués
qu’en traitement de fond d’appoint des corticoïdes inhalés ; corticoïdes et bêta-2
stimulants d’action prolongée peuvent d’ailleurs être associés dans une même
préparation inhalée (salmétérol + fluticasone ; formotérol + budésonide).
• Les autres thérapeutiques, qu’il s’agisse de la théophylline à libération prolongée ou
des anti-leucotriènes, constituent une alternative en cas d’asthme persistant léger :
les anti-leucotriènes doivent être associés aux corticoïdes en cas d’asthme persistant
modéré.
• La prise en charge repose également sur l’éducation du patient et son suivi médical
régulier visant à apprécier le contrôle de l’asthme. Ce contrôle est jugé satisfaisant
lorsque, les symptômes diurnes et nocturnes ont disparu, le débit de pointe est
normalisé et stable, le patient ne ressent plus le besoin de prendre des beta-2
stimulants d’action brève, le patient a la sensation de mener une vie normale.

2.4.2. Le traitement de la toux chronique associée à une hyperréactivité
bronchique non spécifique repose sur les corticoïdes et/ou les
bronchodilatateurs inhalés.
S’il s’agit d’une toux équivalent d’asthme, ce traitement doit être efficace en moins d'un
mois.

II.2.5. TRAITEMENT DE L’ALLERGIE
Selon l’expression clinique dominante, le traitement médicamenteux est celui d’un
asthme allergique ou d’une rhinite allergique.
Lorsqu’un allergène est identifié et un traitement spécifique prescrit (mesures d’éviction)
il est d’usage d’évaluer déjà son efficacité à 4 semaines (grade A). Cependant l’efficacité
des mesures d’éviction et de l’immunothérapie ne peuvent réellement s’apprécier
qu’après 6 mois voire au moins 2 saisons allergéniques.

II.2.6. TRAITEMENT DU RGO
L’effet des recommandations hygièno-diététiques n’est pas établi. Les mesures
posturales sont proposées dans les reflux nocturnes. Les IPP constituent le traitement
de première intention en commençant d’emblée avec une dose double de celle
recommandée dans le traitement des oesophagites, répartie en deux prises, matin et
soir. La coprescription d’un prokinétique est logique d’un point de vue pharmacologique
mais le bénéfice n’est pas établi. La durée initiale du traitement est de 2 mois. Il n’y a
aucun argument qui démontre que la poursuite du traitement au delà de 2 mois permet
d’augmenter les taux de réponse. Si la toux est bien contrôlée sous traitement, il est
raisonnable de proposer une « fenêtre thérapeutique » pour évaluer le risque de
rechute, la rapidité de la récidive et la dépendance au traitement anti-reflux. En cas de
rechute le maintien d’un traitement continu est indiqué en recherchant la dose d’IPP
minimale efficace.
La persistance de la toux au-delà du 2ème mois de traitement est parfois liée à un
contrôle insuffisant de l’acidification oesophagienne. En cas de persistance d’une
exposition acide et a fortiori s’il existe une relation temporelle de la toux et des reflux
acides (pHmétrie sous traitement), certains recommandent d'augmenter la dose d’IPP.
D’autres facteurs doivent être recherchés et pris en compte, en particulier le syndrome
d’apnée obstructive du sommeil qui aggrave le RGO nocturne (grade C).
Un traitement chirurgical antireflux peut être envisagé si les symptômes respiratoires
sont invalidants et récidivants à chaque tentative d’arrêt du traitement médical anti-reflux.
Ce traitement ne peut être préconisé que chez les malades à faible risque opératoire
ayant un RGO prouvé et dont la responsabilité sur les symptômes est fortement
suspectée sinon prouvée.

II.2.7. TRAITEMENT DES TROUBLES DU COMPORTEMENT ET
DE LA PERSONNALITE
Il faut tenter de comprendre le sens et le but du maintien du symptôme « toux », évoquer
l’absence prouvée de maladie organique et avec l’accord de la personne et en fonction
des nécessitées contacter l’entourage en tenant compte des antécédents. L’explication
des possibilités thérapeutiques (médicaments et psychothérapie) est indispensable.
Un traitement médicamenteux, par anxiolytiques ou antidéprésseurs, peut être initié
durant une courte période. A long terme, le résultat dépend de l’acceptation et de la
qualité de la relation thérapeutique à propos du symptôme « toux ».

CONCLUSION

La toux chronique est un motif fréquent de consultation. C’est un symptôme banal qui peut révéler des pathologies nombreuses et variées. L’objectif primordial doit être la recherche de la pathologie causale. Ce document propose une démarche méthodique basée sur la recherche de signes d’appel. Il découle de chaque situation clinique une stratégie de prise en charge qui débute chez le médecin généraliste, et si nécessaire conduit à un bilan spécialisé. La hiérarchisation et la chronologie des investigations complémentaires et des tests thérapeutiques sont essentielles pour une prise en charge optimale en termes de rapports bénéfice/risque et coût/efficacité.

La prise en charge d'une toux chronique repose le plus souvent sur une évaluation clinique, sans recours systématique à des examens complémentaires. Elle permet d'introduire la notion de tests thérapeutiques, tests qui semblent en effet supérieurs à des batteries d'examens complémentaires. Le médicament peut donc être considéré comme un outil diagnostique. Mais pour ce faire il est impératif de développer et de disposer rapidement d'outils d'évaluation du symptôme toux chronique (méthode d'enregistrement sur 24 heures, autoquestionnaire...). Ce n'est qu'à cette condition que les tests thérapeutiques pourront être validés comme outils diagnostiques et que les schémas thérapeutiques proposés dans cette recommandation pourront reposer sur des études contrôlées.

Essais thérapeutiques

Les recommandations proposées ont été classées en grade A, B ou C selon un niveau de preuve scientifique décroisssant, en accord avec le guide d’analyse de la littérature et de gradation des recommandations, publié par l’ANAES (Janvier 2000) :
Niveau de preuve scientifique fourni par la littérature Force des recommandations

Niveau 1
Essais comparatifs randomisés de forte puissance
Méta-analyse d’essais comparatifs randomisés
Analyse de décision basée sur des études bien menées
Grade A
Preuve scientifique établie

Niveau 2
Essais comparatifs randomisés de faible puissance
Etudes comparatives non randomisées bien menées
Etudes de cohorte
Grade B
Présomption scientifique

Niveau 3
Etudes cas-témoins
Essais comparatifs avec série historique

Niveau 4
Etudes comparatives comportant des biais importants
Etudes rétrospectives
Séries de cas
Etudes épidémiologiques descriptives
(transversale, longitudinale)
Grade C
Faible niveau de preuve
scientifique

Cette classification a pour but d'expliciter les bases des recommandations. En l'absence de précision, les recommandations proposées correspondent à un accord professionnel (dégagé au cours d'échanges entre les membres du Groupe de Travail).
L'absence de niveau de preuve doit inciter à engager des études complémentaires lorsque cela est possible. Cependant, l'absence de niveau de preuve ne signifie pas que les recommandations élaborées ne sont pas pertinentes et utiles (exemple de l'efficacité de la mastectomie dans le cancer du sein, des antibiotiques dans l'angine,...).